LE PARADOXE SÉNÉGALAIS FACE AU LEADERSHIP

 

Le paradoxe sénégalais face au leadership : entre loyauté stratégique et exercice centralisé du pouvoir

Ce paradoxe que nous allons décrire reflète une dynamique complexe caractérisant la relation entre le leader et ceux qui le suivent dans la société sénégalaise. Il met en lumière une forme d’opportunisme voilé, où la loyauté affichée n’est souvent qu’une stratégie d’intérêt personnel, et où les critiques, parfois acerbes, ne se manifestent qu’en l’absence du leader.

Dans le contexte sénégalais, qu’il soit politique, religieux, ou organisationnel, la relation entre le leader et ses collaborateurs est souvent marquée par des éloges inconditionnels. Ces louanges ne sont pas nécessairement l’expression d’une admiration sincère, mais plutôt d’une stratégie visant à rester dans les bonnes grâces du leader. Ce mécanisme, enraciné dans une culture de respect apparent, est alimenté par la peur de perdre des privilèges ou un statut social.

Cependant, cette posture n’est ni loyale ni constructive. Elle crée un environnement où le leader est privé d’une critique honnête et éclairée, pourtant essentielle à son amélioration et à la prise de décisions équilibrées. Ce phénomène de « béni-oui-oui » contribue également à éloigner le leader de la réalité, renforçant sa tendance à croire en sa propre infaillibilité.

À l’absence du leader, ce même entourage adopte une posture opposée, exprimant des critiques acerbes et parfois destructrices. Cette duplicité illustre un manque de courage moral et de transparence dans les relations humaines. Elle est symptomatique d’un dysfonctionnement social où la vérité est sacrifiée sur l’autel de l’intérêt personnel.

Cette hypocrisie empêche le développement d’un dialogue constructif entre le leader et ses associés, et crée un fossé entre les attentes réelles des uns et des autres. Le résultat est une fracture dans la cohésion sociale, où la méfiance devient la norme.

Ce comportement des partisans a des conséquences directes sur le leader lui-même. Placé dans un environnement d’éloges constants et de flatteries calculées, le leader peut glisser dans un exercice abusif de son autorité. Encouragé par une absence de critique franche, il devient autoritaire, prenant des décisions unilatérales sans consulter ou prendre en compte les besoins réels de ceux qu’il dirige.

Ce cercle vicieux profite aux opportunistes, qui poussent subtilement le leader dans cette dérive pour mieux asseoir leur propre influence. Cette dynamique crée une structure de pouvoir rigide, où la voix collective est étouffée au profit d’une seule vision : celle du leader, manipulée par ses courtisans.

Ce constat met en exergue un problème d’approche dans le rapport au leadership au Sénégal. Une solution passe par l’instauration d’une culture de vérité et de sincérité, où la critique constructive est perçue comme un levier de progrès et non comme une menace.

Les leaders doivent encourager la diversité d’opinions et adopter une posture d’écoute active. Cela implique de reconnaître que le désaccord peut être une source de croissance.

Les suiveurs, pour leur part, doivent faire preuve de courage moral en exprimant leurs critiques de manière respectueuse et constructive, même en présence du leader.

Enfin, il est essentiel de promouvoir une éducation civique et morale, centrée sur l’éthique, l’intégrité, et la responsabilité collective.

Le modèle actuel de leadership et de suivi au Sénégal, tel que nous l’avons décrit, représente un défi majeur pour le développement socio-économique, organisationnel et religieux. La transformation de cette dynamique demande une introspection profonde et une révision des paradigmes sociaux qui régissent les relations humaines dans ces espaces.

Dans un monde en mutation rapide, où les défis sont de plus en plus complexes, le Sénégal ne pourra avancer que s’il bâtit des relations basées sur la sincérité, la loyauté réelle et une gestion participative du pouvoir. C’est ainsi que le leadership cessera d’être un jeu d’opportunisme pour devenir une force de transformation positive.

Cheikhouna Seck Baay Faal bi 

scheikhouna@gmail.com